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Géopolitique: Lettre ouverte à ces amis – exclusivement français (et peu nombreux) – qui ont interrompu notre amitié…

Nos dissensions sur la situation en Russie, en Ukraine et probablement aussi au Moyen-Orient ont nui à notre vieille amitié.

Je le regrette profondément pour 2 raisons principales :

·       Fidéliser des relations amicales avec des personnes très différentes – nationalité et langue, âge et genre, religion et philosophie, politique et militante…- très diverses voire antagonistes, est depuis toujours l’une des grandes joies de mon existence.

·       Défendre une vision démocratique de la société implique non seulement d’accepter, mais surtout de promouvoir le débat. Notre société, sans craindre la contradiction,  nous en éloigne dorénavant quotidiennement. Il faut savoir entrer en résistance contre toute vision manichéenne, si chère aux alliés de la France outre atlantique.

Dans un monde « tweeterisé », Il me semble que nous ne sommes pas de ceux qui se cantonnent au monde de l’instantané (X, chaînes d’information en continu (tweets) mais qui tentent d’inscrire toute tragédie dans un contexte historique, géopolitique… C’est pourquoi, très désireux de ne pas rompre nos liens, je souhaite ardemment poursuivre nos échanges en vous résumant mes positions sur les drames de l’Ukraine et du Moyen-Orient.   

Russie, Ukraine et OTAN.

Je suis profondément ému par le conflit déclenché entre la Russie et Ukraine/OTAN le 24 février 2022. Je rêve depuis toujours d’une Europe gaullienne de l’Atlantique à l’Oural, voir Vladivostok, et mes différentes opportunités professionnelles m’ont permis, à mon humble niveau, d’apporter mes petites pierres à cette construction. Sans oublier mes deux petits-enfants franco-italiens par leur père, et de mère russe pour l’une et ukrainienne pour l’autre…

 La diabolisation de la Russie n’est pas juste.

La Russie actuelle est née des cendres de l’URSS, conséquences de l’immense désastre politique, économique et social de 70 ans de bolchévisme, initiés par les gazages de Trotsky jusqu’au putsch de 1991 sur lequel je me suis bien souvent exprimé (https://youtu.be/SCPxDFj-Bpk?feature=shared).

De 1991 à 2000, la Russie a vécu des années d’une transition extrêmement brutale, une période de « Far Est » où tous les coups étaient permis, jusqu’à une remise en ordre à l’arrivée de Poutine. Dans ce contexte difficile, en trente ans ce pays avait commencé à se rapprocher de nous : plus aucune velléité d’exporter un modèle idéologique, un modèle d’économie libérale dirigée dont les échanges extérieurs se comptent en dollars ou en euros, une société civile qui a conquis son autonomie; comment oublier l’empathie générée lors de la coupe du monde de football en Russie en 2018.

Bien entendu, la démocratie russe ne peut pas être une copie conforme de notre modèle occidental. On peut qualifier l’État Russe d’autoritaire, mais il ne faut pas oublier que, contrairement à la Pologne ou la Tchécoslovaquie qui avant 1939 ont connu des expériences libérales et démocratiques, la mémoire politique du peuple russe est profondément marquée par la culture autoritaire des régimes tsariste et bolchéviques.

Comment d’ailleurs pouvoir prétendre, sans arrogance, qu’un pays fasse en 30 ans ce que nous avons mis des siècles à construire ! N’oublions pas que, 150 après la naissance de la constitution américaine, le FBI poursuivit Billie Holiday  pour sa dénonciation des lynchages pendaisons dans « Strange fruit » ! N’oublions pas les coups d’État d’Amérique du Sud, la guerre en Irak justifiées sur des données inventées « fake », l’extraterritorialité du droit américain qui pénalise aussi cyniquement que légalement nos entreprises, sans compter que les interdits américains imposés à l’Europe, qu’ils se gardent bien de s’auto appliquer: à titre d’exemple, l’uranium russe échappe aux sanctions car il alimente une grande partie des centrales nucléaires américaines, alors que nous, européens, payons la facture énergétique bien plus chère aux américains…

La prophétie d’Alexandre Soljenitsyne et le conflit Russie-Ukraine

Selon Jacques Attali, « Il existe deux sortes de prophètes : d’une part ceux qui décrivent l’avenir qu’ils espèrent, comme Ezéchiel ; d’autre part ceux qui dénoncent celui qu’ils redoutent, comme Jérémie. Le premier espère avoir raison, le second espère avoir tort. Le premier explique aux hommes ce qu’ils doivent faire pour que s’accomplisse leur rêve ; le second explique ce qu’ils doivent faire pour éviter la catastrophe » (Dictionnaire amoureux du Judaïsme, p 257).

Jérémie russe, Alexandre Soljenitsyne nous a prévenu en 1990 : « Détacher aujourd’hui l’Ukraine, se serait couper en deux des millions de familles et de personnes, tant la population est mélangée ; des provinces entières sont à dominante russe ; combien de gens auraient du mal à choisir entre les deux nationalités ! ». Et il supplie : « Frères ! Ce cruel partage ne doit pas avoir lieu ! ». Et comme pour son discours de Harvard de 1978, les USA ne l’ont pas écouté.  

Chacun d’entre nous pourra avoir sa lecture de ce conflit, mais en ce qui me concerne il est clair que les USA ont décliné clairement, depuis la « Révolution orange », une politique de mise sous tutelle de l’Ukraine, profitant d’une Union Européenne toujours plus soumise à ses desseins.

Bien entendu on pourra m’opposer que cette approche est celle du camp russe, mais l’Histoire est complexe. Je pense seulement que l’on peut en débattre. En reconnaissant ce que Poutine a plusieurs fois dénoncé -la non application des accords de Minsk -, alors que le camp occidental n’hésitait pas à accuser la Russie d’en violer la nature même ! voir les aveux directs de Merkel (décembre 2022) et Hollande (février 2023) qui révélaient que Minsk n’avait eu de finalité que de renforcer l’arsenal militaire belliqueux de l’Ukraine, soutenu indirectement par l’OTAN, en vue d’une reprise de la Crimée et d’un contrôle total des régions Est. CQFD .

Les solutions sont difficiles, nécessitent ce que d’aucuns qualifieront de courage et d’autres d’abandon. J’ai choisi d’être attentif aux desseins de sa Sainteté le pape François et à l’écoute d’un monde riche de ses différences. (Youtube: “François est le premier Pape qui représente le monde multipolaire”).

Moyen Orient.

La diabolisation n’est pas juste…

La question moyen orientale est bien plus délicate car très rapidement sujette à raccourcis, caricatures, condamnations a priori. Par principe, je tiens à rappeler que la religion, la sexualité sont pour moi des questions personnelles, intimes, qu’elles doivent rester dans ce périmètre, sans tolérer la violation de cette sphère privée par des tiers comme ne pas déborder dans le domaine public, toute religion confondue, en particulier par prosélytisme. Je me référerais en la matière  – désormais pour toutes confessions sur notre territoire – à la rencontre entre Napoléon et la communauté juive de Strasbourg en 1806.

La prophétie du Général…

Ma seconde référence sera la conférence de presse du Général de Gaulle au lendemain de la Guerre des 6 jours – à écouter dans son ensemble sans la réduire à une formulation devenue caricaturale récupérée par les extrêmes en tout genre. (INA « L’Etat d’Israël ») -.

Car l’horreur du 7 octobre s’inscrit bien évidemment dans un contexte historique. Je me suis rendu de nombreuses fois en Israël et en zone palestinienne de Cisjordanie au cours des trente dernières années. Comment nos diplomates (et nos services) n’ont-ils pas vu les racines de la haine croître et s’installer. Il suffit d’observer les territoires occupés au cours de ces décennies pour comprendre qu’une solution à deux Etats n’a jamais été sérieusement voulue, peut-être même de part et d’autre. Il y a trente ans les territoires palestiniens étaient clairsemés de colonies de l’Etat Hébreu, aujourd’hui des ghettos palestiniens sont entourés par les colons. J’utilise sans crainte le mot de « ghetto » tel que communément défini dans nos dictionnaires.

J’ignore tout de Gaza mais je ne crois pas m’aventurer en affirmant que l’accès aux énergies (eau, électricité, télécom…) sont contrôlées par Israël, qu’un mur entoure Gaza et que la majorité de la population ne se revendique pas combattante du Hamas.

Je crains pour Israël à l’échelon mondial, sa réputation même si son droit à la sécurité vaut comme pour tout autre Etat – ne pensons pas exclusivement à l’émotion suscitée dans notre hexagone, en Europe ou au près de son référent principal -. Je crains que cette rage vindicative (compréhensible dans son principe) ne se transforme en boomerang tant la disproportion est humainement intolérable.

Je crains, pour notre hexagone, notre Europe et son référent principal, que le grand reste du monde ne dénonce notre deux poids trois mesures entre ce conflit et les autres conflits en Afrique, en Europe…

Envisager une solution revient à se poser deux types de demandes, la première de caractère institutionnel car Israel est surement l’Etat qui nous ressemble le plus dans cette région du monde, mais elle se retrouve piégée aujourd’hui par une assemblée modèle quatrième république, ingouvernable sinon par l’incontournable conditionnement qui consiste à pactiser avec les pires extrêmes, la seconde complète la première. Qui mieux que Joann Sfar pour la formuler avec humour et pertinence: qui des trois prophètes Moise, Jésus et Mahomet a la barbe la plus longue?…décidément quand les barbus s’en mêlent, évangélistes, musulmans et orthodoxes en tout genre compris, le pire est à craindre.

Voilà mes amis sommairement ce qui, dans un monde qui réfuterait le manichéisme, pourrait se prêter à discussions, à évolutions, à constatations de différences que seule l’histoire pourrait peut-être confirmer ou infirmer. 

Vous vous êtes enfermés dans vos certitudes. C’est dommage, mais je vous garde mon amitié. 

A vous de la ressaisir quand vous le jugerez opportun.

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1 réponse »

  1. A prescindere dalle opinioni e dalle simpatie o antipatie istintive ,i tuoi ragionamenti pacati
    sono utili ad affrontare temi estremamente complessi, spesso presentati in modo superficiale e spesso da persone ignoranti.
    Non condivido tutto quello che scrivi ma mi sembra un metodo sero e onestà di mantenere un dialogo civile.
    Un saluto
    Claudio Cappon

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