Nucléaire : enjeu international | LE 23/08/16 Nucléaire : Areva en déroute, le nucléaire russe protagoniste, les Chinois en embuscade… Alors que les prévisions sur la consommation énergétique mondiale indiquent une croissance exponentielle, que les énergies fossiles et polluantes bénéficient de cours de matières premières favorables, que la COP 21 a défini des objectifs somme toute ambitieux pour l’affirmation des énergies renouvelables dans le mix énergétique des Nations, le nucléaire vit une redistribution mondiale des cartes qui voit le fleuron de l’énergie nucléaire française en déroute, les Russes devenir leaders mondiaux et les Chinois en embuscade. Longtemps vantés, les mérites d’Areva semblent avoir achoppé sur deux questions fondamentales : les options technologiques et la politique des alliances. La première se constate dans le choix de l’EPR, réacteur de très grandes dimensions, de fait surdimensionné par rapport à la demande mondiale orientée à des réacteurs de moyennes et petites puissances, sans que cette capacité KW intermédiaire n’altère nullement la sécurité de ces derniers. L’EPR n’est en plus à ce jour opérationnel nulle part là où il a été vendu ; qui plus est, les coûts de constructions ont explosé et semblent résolument hors contrôle, d’où la légitime perplexité des Britanniques sur le contrat en cours de validation. La seconde regarde les alliances. Areva en dépit de collaborations périphériques avec les Russes et de la main tendue de Rosatom – l’équivalent russe de Areva et EDF, il y a quelques années, n’est jamais allé au-delà de déclarations bien intentionnées dans le meilleur des cas, mais aussitôt enterrées au cours de réunions de commissions créées à cet effet… passant ainsi à côté d’une alliance géopolitique et technologique extraordinaire vu le positionnement du Groupe russe à ce jour. Récemment, dans une tribune publiée dans ce même journal, P. Daquin agitait le risque d’une nouvelle arme énergétique russe, celle du nucléaire. La seule volonté de partenariat affichée des Russes il y a quelques années pour bâtir un axe russo-européen suffirait à contredire cette hypothèse ; mais au-delà de cet environnement géopolitique du passé, de l’occasion perdue, il y a l’actualité du présent et du marché du nucléaire. Car il faut bien rappeler que son développement, s’il est particulièrement suivi par les gouvernements respectifs des pays intéressés, passe au travers de mécanismes concurrentiels clairs entre les différents acteurs mondiaux : français, russe, américain, japonais, chinois… Ces mécanismes sont ceux de l’appel d’offres qui associe la technologie, la sécurité, les enjeux écologiques, le financement, le business modèle… et c’est exclusivement par le biais du respect du jeu de la concurrence, d’une technologie à la pointe de la sécurité et des enjeux écologiques, grâce enfin à des modes de financement originaux que les Russes ont fini par s’imposer, rendant possible l’accès au nucléaire à des pays émergents à très forte croissance. Cette nouvelle donne devrait interpeler nos entreprises leaders, Areva et EDF et leur permettre de substituer dans leur analyse les erreurs du passé par une vision du marché et des alliances innovantes et différentes. Parallèlement, de nouveaux protagonistes commencent à s’imposer : les Chinois. Fidèles à leur capacité d’analyse, les Chinois ont très vite pu « mûrir » le « know how » de technologies (françaises ?) qui leur étaient vendues clefs en main pour développer à leur tour une technologie qui leur est propre et commencer à participer aux appels d’offres… dernier exemple important l’Afrique du Sud. Ainsi, le nucléaire tout en étant incontestablement un enjeu énergétique et géopolitique ne peut nullement rentrer dans le cadre d’une politique d’influence, mais au contraire doit et peut donner lieu, fort aussi d’accords bilatéraux de non-prolifération de l’arme nucléaire, à des alliances qui bénéficieraient ultérieurement à la technologie et à la sécurité, au service du monde dans lequel nous vivons et de sa croissance. Emmanuel Goût
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