Ukraine : donnons du courage à notre diplomatie ! | LE 25/09/14 Alors que l’Europe, celle du Général de Gaulle – de Brest à l’Oural – vibre au son de la détonation du canon dans son espace ukrainien, il convient de s’interroger sur les causes, les pushers et les possibles solutions. Dans différents pays d’Europe Centrale, comme la République tchèque et la Slovaquie, on s’interroge sur l’escalade des sanctions à l’égard de la Russie et des évidentes conséquences sur nos propres économies. Il tient cependant de rappeler que l’évolution du dossier ukrainien a connu une forte accélération lors de la Présidence de l’Union par la Pologne, cette dernière promouvant avec son soutien l’idée d’une prochaine adhésion progressive – en commençant par un partenariat – de l’Ukraine à l’Union européenne. On peut s’interroger légitimement sur une telle priorité accordée alors à ce dossier et sur ses conséquences géopolitiques et le coût économique dans un contexte européen peu favorable. En effet, l’Europe n’a toujours pas réussi à se doter d’une organisation efficace à 28, se pose le problème de l’instauration de différents niveaux décisionnels et enfin traverse une forte crise économique. Mais l’idée était lancée. De son côté, l’Ukraine s’était retrouvée incapable de capitaliser ladite révolution orange, car pilotée par des intérêts tiers, elle avait laissé place aux rivalités entre ses leaders ce qui permit à Ianoukovitch de reprendre le pouvoir. Ce dernier fut une nouvelle fois incapable de répondre aux attentes de son peuple, par une croissance interne qui aurait pu générer comme chez son voisin la Russie un nouvel optimisme au-delà des étiquettes politiques. Quant à elle, en soutenant apparemment Ianoukovitch, la Russie se plaçait au niveau d’une grande partie de l’opinion ukrainienne du côté de l’échec, alors qu’elle-même aurait surement préféré une Ukraine plus stable, capable de tirer profit de ses deux voisins. Le résultat fut que les sirènes européennes séduisirent Maidan. Mais à gagner Maidan et rendre caduque un accord à peine trouvé entre trois ministres des affaires étrangères européens, l’opposition et Ianoukovitch furent des extrémistes de droite, bien plus à droite de ceux dont nous nous défions dans nos pays respectifs. D’autre part, il semblerait que notre monde soit resté indifférent à la chute du mur : la faute aux militaires, argument trop facile ! En fait, aucune des visions de nos diplomaties n’a su actualiser la fin du monde communiste par une redistribution diplomatique consciente des enjeux. La fin du pacte de Varsovie, le clair renoncement aux idéologies communistes impérialistes de l’URSS et son éclatement, la crédibilité du rapport économique avec la Russie et l’opportunité pour nos économies n’y ont fait. Non seulement l’OTAN n’a cessé d’exister alors que sa dissolution aurait permis la naissance d’une nouvelle alliance avec la Russie et d’autres pays capables de gérer des dossiers aussi complexes que le Moyen-Orient : il suffit de penser à la gestion que l’on imagine, la résultante de présentation PowerPoint anglo-américaine complétée par des documents photographiques, des rapports révélés pur montage de propagande et les résultats obtenus dans de nombreux pays du Moyen-Orient : tensions, déstabilisations, massacres et victimes. Mais au contraire, l’OTAN a voulu parier sur une permanente expansion traditionnelle, allant chatouiller la Russie – pays baltes, Géorgie… alors que la Russie était un pays devenu partenaire et ami au cours des deux dernières décennies, en s’impliquant aussi à nos côtés face aux défis du terrorisme et disposant traditionnellement d’une connaissance approfondie du monde arabe, comme le démontre encore la véracité de ses analyses sur les conflits promus indépendamment de ses conseils. On voyait ainsi s’additionner en Ukraine la désastreuse situation économique intérieure, une vision du monde périmée, et ainsi donner champ libre aux extrêmes nationaux ukrainiens, ceux qui en effet sont les descendants de cette partie du peuple ukrainien qui combattit aux côtés des nazis. Nos contradictions ne manquaient donc pas. Une partie du peuple ukrainien allait se retrouver bafoué. La parole revenant aux extrêmes, le conflit allait dégénérer et la Russie si souvent diabolisée par ceux qui la connaissent le moins allait elle aussi devoir réagir, au risque qu’une cohérence puisse apparaitre comme une surenchère. Pourtant la révolution orange aurait dû nous éclairer, nous européens, sur les intérêts en jeu. La lumière fut alors faite sur le financement américain de cette révolution. Une deuxième occasion se présente donc pour ce pusher USA de déstabiliser une Europe qu’elle finit par craindre, depuis l’introduction de l’Euro en particulier. Et pourquoi s’en priver, les échanges économiques entre les USA et la Russie valent dix fois moins que ceux existants entre l’Europe et la Russie ! En Ukraine, les USA ont déjà avancé leurs pions… dans le nucléaire ou dans l’agriculture ! C’est donc en Europe que nous devons trouver la solution. Les derniers entretiens sont un premier signe, mais il nous faut encore plus de volonté, le courage du mea culpa. Accepter de comprendre que le monde a changé en novembre 1989, que nos différentes façons de concevoir nos sociétés sont des richesses, sont la source de possibles confrontations, mais ne doivent être en aucun cas à l’origine d’une vision manichéenne du monde, approche mentale qui en revanche se calque plus sur la vision traditionnelle américaine du monde alors que la nuance nous appartient. Revoir et définir les enjeux internationaux, adapter nos alliances à ces enjeux, accepter des partenariats qui correspondent à notre siècle sont les bases de relations qui nous permettront de continuer à vivre en Europe, celle de Brest à l’Oural en paix, d’y faire croitre nos économies en réduisant le nombre d’exclus et ainsi de faire que les peuples se connaissent mieux au bénéfice d’une diversité culturelle accrue et d’une croissance économique retrouvée. L’arrivée d’une diplomate originale en Europe peut surement permettre de relever un tel défi. Emmanuel Goût
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