A) Quatre origines du conflit: idéologique, géopolitique, économique, politique.
Idéologique:
L’Europe et les USA n’ont jamais mentalement considéré la Russie différente de l’URSS depuis la chute du mur de Berlin en 1989. La guerre avec l’URSS reposait sur des questions idéologiques: l’URSS voulait exporter la dictature du prolétariat, le communisme, le marxisme, un « modèle » de vie; il était bien plus agréable de vivre à l’ouest qu’à l’est, aujourd’hui ce n’est plus le cas, les modes de vie se ressemblent. La Russie de Poutine n’a aucun modèle idéologique à exporter; elle ne veut exporter que ses matières premières.
Géopolitique:
Alors que la « pacte de Varsovie » disparaît avec la chute du mur, l’OTAN reste en place. En dépit de déclarations (elles ne restèrent que des déclarations) qui ne manquent pas de témoignages, comme encore récemment le ministre des affaires étrangères de François Mitterand, Roland Dumas, l’OTAN a poursuivi son extension à l’Est jusqu’aux frontières russes. Si l’on associe cette extension aux a priori idéologiques décrits ci dessus, on peut comprendre la préoccupation russe. Imaginons par exemple des militaires chinois au Mexique…
Économique:
Le transit du gas par l’Ukraine est une rente financière énorme – droits de transit – pour ses dirigeants et ses oligarques, tout bord confondu. La mise en service de Nord Stream 2 représente un risque colossal pour leurs « intérêts ». Tout devait être mis en œuvre pour le stopper, tant du coté ukrainien que du coté américain, ce dernier y voyant la possibilité de devenir fournisseur alternatif de ses gaz de schistes à l’Europe. Rappelons qu’au plus fort de toutes les crises, jusqu’à présent, ni l’URSS ni la Russie n’ont mis en péril les approvisionnements de gaz à l’Europe.
Politique:
La Russie n’a jamais favorisé une leadership ukrainienne en mesure de créer des richesses pour sa population, ce qui a provoqué les différentes révolutions, non indifférentes aux USA…
B) Si l’on ajoute que
Les USA nous ont montré comment il était possible de mentir à la face du monde (Irak par exemple) et montré comment leur implication dans une région du monde n’y laissait que plus de chaos pour ses populations (Afghanistan par exemple).
Les USA ont mieux que personne métabolisé la mutation de guerre idéologique en guerre économique – tout en arguant du modèle démocratique – et servent leurs légitimes intérêts en empêchant une Europe forte et indépendante, capable de s’associer avec la Russie, afin de pouvoir se concentrer sur la Chine.
L’Europe a perdu une chance énorme de s’imposer dans ce contexte international.
Enfin rappelons que le manquement aux accords de Minsk de la part du gouvernement ukrainien depuis 5 ans n’a jamais été dénoncé par ses signataires européens.
C) Mais le plus important est d’être conscient qu’il y a eu une solution sur la table, qu’elle fut bien entendu combattue par les USA, à qui le chaos profite, et “ignorée” par Macron, ce qui est bien plus grave.
Elle ressemblait – avant le début du conflit – à un « write off » (*) En voici la synthèse:
1- l’OTAN ne reculait pas d’un pouce mais n’associait plus aucun pays limitrophe de la Russie.
2- la souveraineté de la Russie sur la Crimée était reconnue.
3- les régions à l’est de l’Ukraine devenaient autonomes, dans une Ukraine indépendante et souveraine. (désormais il faudrait sûrement parler d’indépendance)
4- un accord de sécurité Europe Russie, visant aussi à garantir la sécurité des pays n’appartenant à aucune alliance, était rédigé, avec implication des USA et de l’OTAN
5- un accord économique transitoire sur la répartition des flux et des revenus liés au transit du gaz russe par l’Ukraine et par Nord Stream 2 était défini, pour le plus grand bénéfice des consommateurs européens et de la population ukrainienne.
Les USA n’en ont pas voulu. Les Européens l’ont ignorée. La guerre est alors intervenue.
L’Europe et la Russie ont raté la chance de redéfinir un monde où la partie se joue entre américains et chinois.
Il est possible que la résultante de la guerre ressemble à cette architecture de compromis manqué: on mesurera alors mieux les responsabilités de ceux qui nous ont fait passer par « la case guerre ».
(*) méthode de négociation contractuelle qui consiste à éliminer les passifs.
Catégories :Non classé